La collection della Faille de Leverghem

Portrait du Comte della Faille de Leverghem

Le 3 janvier  1941, le comte della Faille de Leverghem nous faisait connaître son intention  d’offrir à un musée belge la collection de tableaux qu’il tenait de ses ancêtres. A la fin de cette même année, la destination de ce don magnifique était arrêtée: c’est aux Musées  Royaux  des Beaux-Arts  de Belgique  qu’il était offert.

Les Commissions des  Musées,  réunies  en  séance  plénière  le 16 décembre, prirent connaissance de cette décision et acclamèrent le donateur siégeant parmi elles pour la première fois, en qualité de membre du Comité de Patronage. L’acte de donation, dressé par Me A. Taymans, notaire du Roi, fut signé le 20 mars 1942 au palais royal, dans le cabinet du Grand Maréchal de la Cour, en présence de M. Marcel Nyns, Secrétaire Général du Ministère de l’Instruction Publique.  Etaient témoins : le comte Louis  Cornet  de Ways Ruart, Grand Maréchal de la Cour, et le comte Guillaume de Hemricourt de Grunne, Grand Maître de la Maison de Sa Majesté la Reine Elisabeth, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Sa Majesté le Roi des Belges.

La Commission administrative du Patrimoine des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à qui la donation était faite, était représentée par MM. Laurent Meeus, Adolphe Stoclet, Gaston Périer, comte Adrien van der Burch, baron Robert Gendebien et Melle Marguerite  Devigne,  conservateur  délégué.

Le donateur a déclaré qu’en remettant ses tableaux aux Musées, il agissait dans l’intention de s’associer, lui et sa famille, d’une manière solennelle et durable, à l’hommage respectueux et grandiose que la nation entière s’apprêtait à rendre à l’auguste mémoire de Sa Majesté Albert 1er, Roi des Belges,  par l’érection  du  Mémorial Albert 1er et de la Bibliothèque Albertine. 

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 La collection compte trente-sept tableaux

Ils se divisent en deux groupes, l’un constitué par les  portraits  de  famille,  l’autre  formé des vestiges  de riches  et anciennes  collections.

Il s’agit des collections de la famille Peeters et de celles de ses descendants.

Cette famille  appartient  à la  bourgeoisie  d’Anvers,  où  elle  est connue dès la seconde moitié du XVIème siècle. Sa fortune ne fit que croître jusqu’ à la fin du XVIIIème siècle et fut favorisée par des alliances heureuses. C’est au XVIIème siècle, et  grâce  aux  affaires  fructueuses qu’il avait réalisées au cours d’un long séjour en Angleterre, que l’un de ses membres, Edouard Peeters (1612-1678), commença la collection d’œuvres d’art qui devait bientôt compter parmi les plus importantes des Pays-Bas.

La fille d’Edouard Peeters  épousa  Constant  De Weerdt,  petit-fils de P.P. Rubens par sa mère, Claire Rubens. Les tableaux du maitre anversois  qui  se trouvèrent,  par  la  suite, dans  la  collection  Peeters y furent sans doute amenés par cette alliance.

La famille Peeters, dont la prospérité ne faisait qu’augmenter, obtint, en 1682, des lettres de noblesse délivrées par le roi d’Espagne, Charles II, aux frères Michel et Jean-Baptiste, fils d’Edouard.

Jean-Baptiste mourut célibataire. Michel fit souche et, dès  lors, dans l’inventaire des successions de sa parenté, l’importance et le nombre des  objets  précieux  et  des  œuvres  d’art  s’accroît  de  plus en plus, de même que celui des domaines et propriétés diverses. Toutefois, c’est le petit-fils de Michel Peeters, Jean-Egide (1725-1786), seigneur  de Buerstede,  Aertselaer  et  Cleydael,  héritier  de la  quasi-totalité des biens de ses ascendants, qui créa la collection visitée en  1781 par Reynolds, lors de son voyage aux Pays-Bas et dont proviennent plusieurs des tableaux de la collection della Faille de Leverghem.

Jean-Egide  Peeters  eut quatre  filles  qui  se  partagèrent  à sa  mort, d’accord  avec  leur  mère, toutes  les œuvres  d’art  lui  ayant appartenu.

L’ainée,  Marie-Louise,  avait  épousé   en   1767  Henri-Joseph  Stier, né à Anvers en 1743, fils d’Albert-Jean Stier, né à Amsterdam en 1702, et d’Isabelle-Marie de Labistrate ; elle lui apportait les seigneuries d’Aertselaer et de Cleydael. II fut créé baron en 1778. Amateur  d’art adroit  et averti,  il eut  une  collection  de tableaux fort  bien  choisis, et il acquit, en 1817, des descendants d’Arnold Lunden, second mari de Suzanne Fourment, le célèbre portrait de celle-ci, dit ‘Le Chapeau de paille’, peint par Rubens.

La seconde fille de Jean-Egide Peeters épousa Philippe-Louis, baron van de Werve et de Schilde, et mourut sans descendance. Ses soeurs se partagèrent sa succession, d’accord avec leur beau-frère.

La troisième des sœurs Peeters, Françoise, eut pour mari Jean­ Baptiste Guyot. Au décès de celui-ci, l’inventaire de ses biens mentionne un grand nombre de tableaux, malheureusement désignés de façon trop sommaire pour qu’il soit possible de les identifier.

La  dernière,  Catherine, épousa  Henri-Joseph  Geelhand. Leur fils, Joseph-Pierre Geelhand,  qui se marie en 1810 à Josephine-Catherine de Labistrate, avait hérité du goût de ses ascendants maternels pour les œuvres d’art. Sa collection fut vendue à Anvers en 1878. Elle avait été constituée, en partie, comme l’indique la préface du catalogue, « au moyen d’acquisitions faites dans les ventes des célèbres collections de MM.  Stier  d’Aertselaer,  Wolschot, Snyers, Baron de Winck  de Wesel, Seghers, etc. ». 

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Au moment de l’arrivée des Français dans les Pays-Bas, en 1794, le baron Henri Stier  d’Aertselaer  émigra en Amérique, où il transporta les plus précieux tableaux de sa collection. Toute sa famille l’accompagnait, y compris sa fille Isabelle et le mari de celle-ci, Jean-Michel van Havre. Les émigrés ne rentrèrent dans leurs foyers qu’après une absence d’une vingtaine d’années. Pendant leur exil, ils avaient été contraints, pour se procurer des ressources, de se déssaisir de quelques­ unes des œuvres d’art qu’ils avaient emportées d’Anvers.

Peu après leur retour aux Pays-Bas, ce qui restait de la collection Peeters dut être vendu, car ainsi qu’il est dit dans la préface du catalogue : « plusieurs intérêts qui se rencontraient dans cette propriété exigeaient sa réalisation». Mais Henri Stier racheta quelques-uns des tableaux les plus intéressants qui furent alors soumis aux enchères.

Il mourut le 22 juin 1821. Le 29 juillet 1822, sa collection était mise en vente.

Le gendre d’Henri Stier, Jean-Michel van Havre, s’inspirant de son exemple, racheta une partie des tableaux qui la constituaient.  Mais ces ventes successives avaient provoqué  une certaine émotion  dans la famille, dont les membres décidèrent d’empêcher désormais de nouvelles  dispersions  des  œuvres  d’art  patiemment  réunies  par  les soins de leurs ancêtres et s’efforcèrent de récupérer celles qui étaient passées chez leurs parents ou alliés.

C’est ainsi qu’en 1878, les n° 9, 14 et 83 de la vente J.-P. Geelhand de Labistrate ont fait retour à cette famille et se trouvent  dans la collection della Faille de Leverghem. Le premier de ces tableaux, qui était attribué à Jean Brueghel de Velours et que nous rendons à Peeter Gysels, est « le Marché aux chevaux devant le vieux château de Vilvorde ». Le second, mis sous le nom de Pierre Brueghel d’Enfer et qui est de Jean Brueghel de Velours, représente «  Enée aux Enfers ». Le troisième est  le  Paysage  de  David  Vinckboons,  peint  sur  bois  et  dont  les dimensions et la description ne laissent pas de doute quant à son identification  avec le tableau de ce peintre  faisant  partie  de la  donation. 

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La famille  van  Havre  avait  obtenu  de  l’empereur  Charles  VI, le 4 mai 1718, la concession de noblesse et du  titre  de chevalier  du Saint Empire. Jean-Michel  van  Havre  fut créé  baron  par  Napoléon le 7 juin 1814 et nommé, en 1816, membre du Corps équestre de la province d’Anvers. Sa femme mourut le 19 mai 1822. Il lui survécut jusqu’en 1844.

Ils avaient eu seize enfants, dont douze moururent jeunes. Il ne leur resta que deux fils et deux filles. L’aîné des fils, Eugène, se maria et eut un fils ; l’autre, Jules, mourut célibataire.

Les deux filles épousèrent toutes deux des membres de la famille della Faille. L’aînée, Louise, fut mariée en 1819 à Jean-Marie-Joseph della Faille et n’eut pas de descendance.

De même que son frère Jules, elle laissa les tableaux qui lui appartenaient à sa sœur cadette, Clémentine, dont le mari, Alphonse della Faille de Leverghem (1809-1879), était le neveu de Jean-Marie-Joseph et hérita d’une partie des tableaux compris dans la succession de celui-ci. Parmi ces tableaux, se trouvaient des portraits de famille dont l’un est celui du jésuite Jean-Charles della Faille, par van Dyck.

Alphonse della Faille et sa femme, Clémentine van Havre, désireux d’éviter le partage de leur collection, la léguèrent à leur fils ainé, Charles (1842-1902), à charge pour  lui de la transmettre  à son tour  à l’aîné de  ses  fils.

Celui-ci   est   Georges-Alphonse-Marie- Joseph, comte della Faille de Leverghem, ambassadeur de Belgique, grand officier de l’ordre de Léopold, bailli grand-croix d’honneur et de dévotion de l’ordre souverain et militaire de Malte, qui a offert sa collection aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique.